La fièvre de l'enfantLa température centrale des êtres humains est, comme celle des autres animaux à sang chaud, une constante, qu'on nomme homéothermie, à la différence de celle des animaux à sang froid (poissons, reptiles, etc.) qui est variable.
Le centre de la régulation thermique (centre thermo-régulateur) se situe au niveau d'une partie de l'encéphale appelée hypothalamus qui est en quelque sorte "le cerveau de notre milieu intérieur". Ce centre agit comme thermostat de notre organisme.
L'homéothermie résulte d'un équilibre entre la fabrication de chaleur, ou thermogénèse (alimentation, exercice musculaire...), et les moyens de lutter contre celle-ci, ou thermolyse (transpiration plus ou moins abondante, apports hydriques (eau)). Il existe cependant des variations de la température centrale au cours de la journée de l'ordre de 0,6° C, la température la plus basse se situant le matin et la plus élevée le soir.
Il est important de noter que les enfants paraissent avoir une température normale légèrement plus élevée que celle des adultes, pouvant parfois aller jusqu'à 38°C, voire 38,5°C le soir (celle-ci étant mesurée par voie rectale).
C'est pourquoi la notion de fièvre n'est pas toujours facile à établir de la part de parents qui peuvent parfois s'alarmer pour des températures peu importantes telles que 37,5°C ou 38°C rectales, qui sont simplement à la limite supérieure des valeurs physiologiques.
On doit donc parler de fièvre à partir d'une température rectale supérieure à 38°C chez le nourrisson et supérieure à 38,3°C ou 38,5°C chez l'enfant plus âgé.
Différence entre fièvre et hyperthermie ?Pour certains ces deux termes sont synonymes.
Pour d'autres, la fièvre est une élévation de la température corporelle résultant d'un réajustement du thermostat hypothalamique à un niveau supérieur lors d'une infection (virale ou bactérienne).
L'hyperthermie, en revanche, correspond à une élévation de la température centrale du corps provoquée par une une augmentation de la thermogénèse, lors d'un exercice musculaire intense par exemple et/ou une diminution de la thermolyse liée à une température extérieure trop élevée, une diminution de la sudation et/ou insuffisance des apports hydriques (coup de chaleur, déshydratation, etc.).
Le terme pyrexie représente l'état fébrile et l'apyrexie l'absence de fièvre.
Quelles sont les mécanismes qui induisent la fièvre ?La fièvre est la conséquence d'un déplacement vers le haut du point d'équilibre thermique en raison de la libération de substances pyrogènes (qui élèvent la température) exogènes, d'origine bactériennes ou virales, et/ou endogènes, libérées par certains globules blancs intervenant dans les mécanismes de défense de l'organisme.
Ce réajustement du thermostat hypothalamique à un niveau supérieur contribue à diminuer la thermolyse par vasoconstriction périphérique et à augmenter la thermogénèse par les frissons qui augmentent l'activité musculaire.
Quelles sont les causes de la fièvre ?Tout d'abord, il faut savoir que la fièvre n'est pas une maladie, mais un symptôme, qui peut être associé à un très grand nombre de situations pathologiques des plus bénignes aux plus sévères.
C'est le motif le plus fréquent de consultation urgente en pédiatrie.
La majorité des infections s'accompagnant de fièvre sont d'origine virale.
D'autre part, il est important de savoir que ce n'est pas le degré de la fièvre, ni sa durée, qui vont permettre de différencier une infection virale d'une infection bactérienne. Ce sont les signes d'accompagnement associés à la fièvre qui permettront éventuellement d'orienter le diagnostic (pathologie du rhino-pharynx, pulmonaire, orthopédique, maladie éruptive, douleurs abdominales, brûlures mictionnelles, etc.).
La fièvre n'est pas toujours d'origine infectieuse et peut faire suite à une vaccination par exemple, à certains traitements.
Des maladies inflammatoires (arthrite rhumatoïde entre autres), néoplasiques... peuvent également être en cause, mais dans ce cas, il s'agit le plus souvent d'un syndrôme fébrile prolongé ou récurrent.
Au retour de zones endémiques (de pays tropicaux) il faut savoir penser à certaines maladies parasitaires, dont le paludisme représente un diagnostic urgent de par le risque encouru par l'enfant, d'autant qu'il est plus jeune.
Faut-il traiter la fièvre et pourquoi ?Il est vrai que certains faits expérimentaux et cliniques suggèrent que la fièvre pourrait avoir un rôle bénéfique dans la lutte contre les infections, comme dans la grippe par exemple (virus thermosensibles).
Cependant si chez l'adulte, ou le grand enfant, une certaine "tolérance" peut être adoptée en fonction de l'état de confort, les risques à ne pas traiter la fièvre sont réels chez le bébé.
En effet, il existe une sensibilité particulière du cerveau de certains enfants (essentiellement entre 6 mois et 3 à 4 ans, avec un pic de fréquence entre 15 et 18 mois) à la montée brusque de la température (en général au delà de 39°C). Ceci peut entraîner une crise convulsive fébrile qui est heureusement le plus souvent bénigne, mais impressionnante et angoissante pour l'entourage.
D'autre part, les nourrissons de moins de 6 mois sont particulièrement exposés, du fait de l'immaturité de leur système de thermo-régulation, au risque "d'hyperthermie majeure" (température de l'ordre de 41°C ou plus) avec possibles conséquences vitales.
Celle-ci survient notamment lorsque des erreurs sont commises dans la gestion du traitement de la fièvre par les parents (nourrisson trop couvert par vêtements et/ou couvertures ou couettes, insuffisance d'apports hydriques supplémentaires, traitement antithermique insuffisant ou absent, insuffisance de surveillance).
Comment mesurer la fièvre d'un enfant ?Plusieurs méthodes sont actuellement à la disposition des parents et des médecins :
Chez le jeune enfant, on mesure habituellement la température corporelle par voie rectale à l'aide d'un thermomètre électronique doté le plus souvent d'une alarme sonore.
Chez l'enfant plus âgé, on peut utiliser en alternative la voie buccale ou axillaire, tout en sachant que la mesure obtenue par cette voie est inférieure de 0,6°C environ par rapport à la température rectale.
Il est probable que la mesure tympanique qui reste à perfectionner pour le jeune enfant et le nourrisson (car source encore de nombreuses erreurs de mesure) remplacera à court ou moyen therme la prise rectale.
Quand appeler le médecin ?Devant toute fièvre chez un nourrisson de moins de 3 mois chez lequel le risque d'infection bactérienne est plus fréquent et peut s'exprimer par un tableau trompeur.
Devant tout syndrôme fébrile mal toléré, c'est-à-dire marqué par des troubles de la conscience (abattement, somnolence), des plaintes ou gémissements malgré un traitement antithermique bien conduit, des troubles vaso-moteurs (teint pâle, gris, marbrures intermittentes, etc.), de grands pics fébriles précédés de frissons, des douleurs persistantes (oreilles, abdomen, tête, etc.), des troubles digestifs (vomissements et/ou diarrhée, anorexie), une crise convulsive...
Chacun de ces signes pouvant être considéré isolément en fonction de sa persistance et de son intensité en association avec la fièvre.
Un enfant ou un nourrisson fébrile qui reste bien coloré ou au faciès vultueux (bouffi)... dont l'appétit est relativement bien conservé ou à peine diminué, qui reprend le sourire et l'envie de jouer dès que la fièvre a un peu chuté, a probablement une maladie aigüe fébrile bénigne.
Devant toute fièvre prolongée ou récurrente, même relativement bien tolérée.
Sachez observer votre enfant afin de repérer ce qui dysfonctionne, traiter la fièvre (voir plus loin) et apprécier l'amélioration ou la disparition des troubles en fonction de l'efficacité du traitement antithermique.
Dans le cas contraire, le médecin sera contacté le plus rapidement possible en lui apportant tous les renseignements nécessaires pour l'aider dans sa démarche diagnostique.
Que fera le médecin ?Il pratiquera un examen clinique soigneux à la recherche d'un foyer infectieux. Dans le cas d'une infection localisée, type otite ou angine, il pourra être amené à prescrire une antibiothérapie adaptée.
Parfois l'orientation sur une maladie virale (rhinopharyngite, certaines bronchites ou bronchiolites, maladies éruptives virales bien connues) lui feront poursuivre le traitement antithermique déjà débuté par les parents en y associant éventullement d'autres médications symptomatiques.
D'autres fois, il lui sera nécessaire de demander des examens complémentaires (bilan sanguin , urinaire et/ou radiologique des poumons,etc.), notamment devant une fièvre mal tolérée, prolongée ou récurrente, ou encore devant un syndrome fébrile chez un bébé de moins de 3 mois.
Plus rarement, il pourra être amené à hospitaliser le nourrisson ou l'enfant devant un tableau inquiétant, ou un tout jeune nourrisson dont les examens complémentaires orientent vers une infection bactérienne ou dont l'état est d'emblée préoccupant, afin que d'autres investigations y soient pratiquées (ponction lombaire, examens radiologiques, urinaires, sanguins dont hémocultures) pour permettre la mise en place d'un traitement adapté sans perte de temps préjudiciable pour l'enfant.
Comment prendre en charge une fièvre ?Les moyens physiquesLe traitement symptomatique repose en premier lieu sur les moyens physiques, à savoir :
- dévêtir l'enfant (laissez-lui juste ses sous-vêtements),
- assurer une température de la pièce dans laquelle se trouve l'enfant autour de 19 à 20°C,
- apporter des suppléments hydriques et donner des bains tièdes de 2°C inférieur à la température rectale ou axillaire (bain à 37°C au départ pour une température centrale de 39°C par exemple). L'enfant étant surveillé constamment pendant la durée du bain et sa tête arrosée tout en jouant (à savoir que 80% de la chaleur en excès de l'enfant sont éliminés par sa tête et 20% par le reste du corps).
La durée du bain n'excèdera pas 10 minutes et pourra être renouvelé plusieurs fois dans la journée ; la survenue d'un épisode de frissons fera retirer l'enfant du bain.
- On peut également l'envelopper dans un linge trempé dans l'eau à la même température que le bain et essoré, et dès que le petit drap s'est chargé d'une partie de l'excès de chaleur cutanée du petit malade, le désemmailloter, retremper le linge et renouveler l'opération 8 à 10 fois de suite.
Les sachets souples réfrigérants protégés par des linges peuvent parfois être utilisés et être apposés sur la tête, les cuisses et les régions latérales du thorax, mais cette méthode est plus difficile à gérer et nécessite de changer la position des sachets toutes les 10 minutes et n'est pas sans risques dans des mains inexpérimentées.
Les médicamentsLe médecin traitant habituellement l'enfant est le seul à pouvoir conseiller le traitement antithermique de son choix, et dont il a l'habitude, lors des premières consultations du nourrisson.
Sachant que l'information sur la prise en charge de la fièvre du bébé et de l'enfant est une nécessité, afin que les parents ne soient pas pris au dépourvu lorsqu'elle survient, il est indispensable d'en discuter avec lui lors des premières visites.
Les médicaments à utiliser en cas de fièvre réagissant insuffisamment aux moyens précédents, ou donnés en plus de ceux-ci si la température paraît excessive, sont :
- Le Paracetamol (Doliprane, Efferalgan, etc., sous forme pédiatrique) à donner en 4 prises à 6 heures d'intervalle et qui reste pour le moment le produit le plus utilisé en France.
- L'Aspirine (Aspégic, catalgine, etc., sous forme pédiatrique) à donner en 4 à 6 prises à 4 ou 6 heures d'intervalle, mais la prise de ce médicament a été associée à la survenue d'une possible complication dans certaines maladies virales (syndrome de Reye) notamment dans la grippe ou la varicelle et il est donc déconseillé de prescrire de l'Aspirine dans ces affections.
De même il peut être à l'origine de certains saignements visibles ou occultes (nez, appareil digestif).
- L'Ibuprofène (Advil, Nurofen, sous forme pédiatrique) en 3 à 4 prises à 6 ou 8 heures d'intervalle. Il peut être nécessaire d'évaluer au préalable s'il n'existe pas une intolérance ou allergie aux médicaments anti-inflammatoires.
- Le kétoprofène sirop pédiatrique déjà utilisé dans certains pays et en cours d'autorisation en France. Mêmes précautions que pour le produit précédent.
A signaler que la voie orale semble d'efficacité supérieure (selon des études pharmacocinétiques) à la voie rectale qui doit rester une voie d'exception (refus par l'enfant d'absorber le médicament, vomissements, etc.)