Le reflux gastro-oesophagienEn pédiatrie le reflux gastro-œsophagien (RGO) s'impose actuellement comme le trouble alimentaire le plus fréquent de la petite enfance, dépassant même largement en nombre de consultations les classiques coliques du nourrisson.
Cette dénomination très médicale de RGO reflète en réalité la grande fréquence des bébés régurgiteurs, reflueurs ou "crachouilleurs" puisque 20 % des nourrissons, dans la première année de la vie régurgitent, et les consultations médicales dépendront en grande partie de l'inquiétude parentale ou du repérage de signes d'accompagnement inquiétants.
Mais généralement les rejets ou régurgitations sont considérés comme des phénomènes normaux (physiologiques) non dangereux pour la santé du bébé, disparaissant progressivement en quelques mois, souvent au moment où l'alimentation devient diversifiée et qui correspond à la "verticalisation" progressive de l'enfant.
Les rejets doivent être différenciés des vomissements : la régurgitation se fait sans effort, alors que le vomissement se définit comme l'expulsion en jet par la bouche de tout ou partie du contenu gastrique qu'il soit alimentaire ou non, faisant intervenir activement la contraction des muscles abdominaux et parfois précédée de nausées.
Il peut parfois apparaître difficile de faire la différence, notamment si les rejets sont importants en quantité, d'autant qu'il peut y avoir association de rejets ou vomissements dans le temps chez certains enfants. En ce cas, seule une appréciation clinique rigoureuse permettra de rassurer ou d'alerter les parents.
Qu'est-ce que le reflux gastro-œsophagien ?Il se définit comme le renvoi dans l'œsophage de tout ou partie du contenu gastrique (contenu de l'estomac), survenant à un moment quelconque de la digestion, et même à jeun.
Ce reflux peut être extériorisé sous forme de régurgitations, ou rester inapparent s'il s'arrête en un point quelconque de l'œsophage, sans atteindre la bouche.
Il peut atteindre les voies aériennes supérieures (rhinopharynx et larynx) et beaucoup plus rarement les voies aériennes inférieures (les bronches et les poumons).
Dans le reflux gastro-oesophagien, les rejets (régurgitations) représentent la partie visible de l'iceberg.
Pourquoi et comment cela se passe-t-il ?Nous vous avons précisé précédemment qu'un grand nombre de bébés rejettent ou sont régurgiteurs, nous vous expliquons ici pourquoi et comment cela se passe.
Comme pour beaucoup d'autres fonctions (développement psychomoteur, sommeil, nutrition, etc.), le petit nourrisson est un être immature et le passage de la position couchée à la position assise puis debout, de l'alimentation liquide à une alimentation solide, demandera plusieurs mois et pas mal de patience de la part de ses parents.
Ainsi le système anti-reflux de la partie basse de l'œsophage, à sa jonction avec l'estomac, peut-il se trouver "défaillant" pour des raisons anatomiques (système de soutien) et fonctionnelles (sphincter inférieur de l'œsophage dont le tonus peut être transitoirement insuffisant chez le petit nourrisson).
Lorsque la barrière anti-reflux est défaillante, le liquide gastrique acide (de l'estomac) peut remonter dans l'oesophage et entraîner des phénomènes inflammatoires au niveau de celui-ci (œsophagite) dont le degré peut être variable, en fonction de l'importance du passage des sécrétions gastriques. Mais nous verrons qu'il s'agit d'une éventualité plutôt rare.
L'œsophage part de la cavité buccale et descend dans la région thoracique en arrière du larynx puis de la trachée et pénètre dans l'abdomen au travers du diaphragme pour se continuer par l'estomac.
La partie de l'œsophage intra-abdominale est courte chez le nourrisson et de ce fait beaucoup plus sensible aux variations de pression très fortes de l'abdomen, ce qui peut contribuer à faire refluer les aliments de l'estomac vers l'œsophage.
Il existe d'autres mécanismes naturels de lutte contre la "remontée" du liquide gastrique :
- les ondulations péristaltiques (contractions) de l'œsophage qui conduisent les aliments vers le bas,
- la salivation qui contribue à laver l'œsophage,
- la gravité, c'est-à-dire la position verticale ou surélevée.
De même la "vidange gastrique" (c'est-à-dire le temps de séjour de l'aliment dans l'estomac) a un rôle important : plus il est court, moins il y a de risque de reflux.
Chez le bébé, ces différents mécanismes ne sont pas toujours totalement efficaces et le deviendront ultérieurement en général.
S'agit-il d'un RGO banal ou pathologique ?Lorsque l'on parle de reflux gastro-œsophagien, il peut s'agir d'un reflux gastro-œsophagien banal (physiologique ou normal pour l'âge de l'enfant) ou d'un reflux pathologique (maladie avec complications possibles).
Un reflux gastro-œsophagien non compliqué du nourrisson a pour seules manifestations des régurgitations plus fréquentes en période post-prandiale ou au moment des rots, associées parfois à des vomissements, mais sans aucun retentissement sur la courbe de poids/taille de l'enfant, ni sur son comportement qui reste tout à fait normal tant le jour que la nuit (en particulier il ne rejette pas pendant son sommeil). De même son aspect ne montre aucune modification (le bébé reste bien coloré, notamment au niveau de ses muqueuses (lèvres, conjonctives).
Avec le temps et les modifications du régime les choses semblent s'améliorer. Ceci est la situation heureusement la plus fréquemment rencontrée !!
Par contre s'il existe des manifestations telles que :
- un refus alimentaire ou une perte d'appétit,
- des pleurs + une agitation pendant ou après les biberons,
- un mauvais gain de poids ou une perte de poids,
- des rejets de glaires et/ou de sang,
- une pâleur cutanéo-muqueuse.
Tous ces signes peuvent apparaître isolés ou associés variablement, soit dans un contexte de régurgitations déjà connues soit sans rejets manifestes. Ils doivent de toute façon alerter les parents et conduire à une consultation médicale rapide pour orienter les investigations complémentaires nécessaires et les traitements adaptés.
Des manifestations pathologiques d'un tout ordre que digestifs peuvent faire rechercher, entre autres causes, un RGO pathologique : malaise grave du nourrisson, pathologie ORL (laryngites à répétition, certaines otites séro-muqueuses) ou broncho-pulmonaire inexpliquée (bronchites à répétition ou traînantes, foyers pulmonaires récidivants, certains asthmes).
Les examens complémentairesComme nous l'avons dit précédemment, dans la majorité des cas il n'y a besoin d'aucun examen, car l'enfant n'a pas l'air malade. Cependant, certains examens complémentaires peuvent permettre de différencier un RGO physiologique d'un RGO pathologique.
Si les choses sont douteuses (problèmes ORL, broncho-pulmonaires, ou malaises) un examen est utile, il s'agit de la pHmétrie œsophagienne de longue durée faite sur 18 à 24 heures permettant de mesurer, à l'aide d'une fine sonde introduite dans l'œsophage, la fréquence des reflux à pH acide (pH inférieur à 4), les temps d'exposition à ces produits acides et la corrélation avec certains événements survenant pendant l'enregistrement (toux, rejets, malaises). L'analyse des résultats se fait par calcul informatique.
Devant des manifestations douloureuses et/ou des rejets glairo-sanglants, l'examen clef est la fibroscopie œsophagienne (système optique introduit dans l'œsophage et/ou l'estomac permettant de visualiser les lésions existant à leur niveau, de les filmer, de les projeter ou de les photographier) qui va permettre de faire le diagnostic d'une éventuelle œsophagite (inflammation de l'œsophage attaqué par l'acidité de l'estomac et par certains sucs gastriques comme la Pepsine) et de son degré de gravité.
Cet examen peut permettre de visualiser certaines anomalies anatomiques (malpositions cardio-tubérositaires).
La radiologie a actuellement peu d'indications en dehors de la recherche de certaines anomalies anatomiques rares (malpositions cardio-tubérositaires, hernies hiatales). L'échographie entre des mains très spécialisées permet de visualiser les reflux éventuels même non acides, à la différence de la pHmétrie, mais sur un temps limité (une dizaine de minutes environ).
Les mesures à prendre chez un nourrissonVoici les mesures à prendre en cas de régurgitations d'allure banale chez un nourrisson.
Elles consistent essentiellement en mesures hygièno-diététiques :
- Fractionnement du repas en faisant 3 ou 4 pauses pour permettre des éructations qui contribuent à chasser l'air.
- Supprimer le traditionnel jus d'orange qui majore, c'est maintenant bien connu, les contractions de l'oesophage en plus de son acidité propre. Et il faut savoir que les laits pour bébé sont supplémentés en vitamine C pour assurer le besoins quotidiens.
- Eviter les aliments qui augmentent l'acidité gastrique comme certaines compotes ou jus de fruits, menthe, réglisse, etc.
- Choisir avec le médecin un lait à vidange gastrique plus rapide. Et éviter aliments trop gras ou trop sucrés notamment chez le rejetteur plus âgé, dont l'alimentation est déjà diversifiée.
- Épaissir l'alimentation, notamment les biberons au départ, par certaines substances (pectine, extraits de caroube, amidon de maïs modifié, ou farines après 3 mois) ; ou encore mieux et plus facile des laits antirégurgitations (AR) en pharmacie, voire confort ou premium en grande surface.
Ces derniers produits (AR et confort) ont l'avantage de la simplicité pour la maman et permettent d'éviter au bébé une surcharge calorique par excès de glucides dans les tous premiers mois.
Quelques conseilsVoici ce qu'il faut faire ou ne pas faire, en plus du régime alimentaire :
- Il faut éviter de trop serrer les couches pour ne pas augmenter la pression intra-abdominale, et éviter de mettre des vêtements trop serrés.
- Il faut surélever la tête du lit (traitement postural) de 30° environ pour éviter le reflux de l'estomac dans l'œsophage, le bébé étant couché sur le dos ou sur le côté . Cela jusqu'à 6 mois, puisqu'après cet âge cette position est beaucoup plus difficile à maintenir car le bébé se retourne et bouge de plus en plus.
- Il faut éviter d'asseoir votre bébé dans le baby-relax. En effet, la position assise dans les baby-relax est déconseillée depuis longtemps car elle augmente la pression abdominale, et ainsi favorise le reflux.
- Éviter le tabagisme passif qui diminue le tonus du sphincter inférieur de l'œsophage et favorise donc le reflux (parents fumeurs pensez-y !!)
- Aérer les pièces d'habitation, dont la chambre du bébé régulièrement, en raison de la pollution domestique souvent plus importante que la pollution extérieure.
Quand donner des médicaments ?Quand le médecin se trouve confronté à une situation "limite" avec une zone d'incertitude entre le physiologique et le pathologique ou à un reflux gastro-œsophagien pathologique, documenté par des examens complémentaires. Il arrive alors qu'il prescrive des modificateurs du comportement digestif (prokinètiques) qui demandent certaines précautions d'utilisation, des anti-acides et pansements gastro-intestinaux.
Dans le cas d'une œsophagite, il s'agira de diminuer la sécrétion acide de l'estomac en utilisant des médicaments antisecrétoires, donnés en plus des médicaments du RGO proprement dit.
Y a t-il un rapport entre le RGO et la mort subite du nourrisson ?Même s'il persiste encore plusieurs zones d'ombre sur la compréhension de la MSN (la mort subite du nourrisson), on sait maintenant que les recommandations concernant les modifications de couchage des nourrissons ont fait baisser l'incidence de celle-ci de 50% et que le chiffre continue à baisser.
Parmi les différentes causes pouvant être à l'origine de la MSN ; le RGO (il s'agit toujours dans ce cas d'un reflux pathologique) ne représente qu'une cause exceptionnelle, et plus par mécanisme réflexe (ralentissement du rythme cardiaque) que par inhalation bronchique du contenu gastrique.
ConclusionLe reflux gastro-œsophagien non compliqué doit bénéficier des conseils de puériculture et des mesures diététiques, sans aucune prescription médicamenteuse.
Votre médecin traitant doit pouvoir vous expliquer le mécanisme physiologique du reflux et vous faire comprendre que les régurgitations ne sont pas le témoin d'une mauvaise digestion.
Il doit vous enseigner la patience en vous assurant que ce symptôme désagréable a toutes chances de disparaître à l'âge de la marche.
Tout ceci étant fait dans le sens d'une dédramatisation et pour permettre le dialogue nécessaire à toute relation médicale, dans un climat de confiance entre votre médecin et vous dans l'intérêt de l'enfant, et éviter ainsi tout dérapage d'une surmédicalisation.
Cela n'empêche pas de rester vigilant sur l'éventuelle apparition des complications précitées (dont l'œsophagite).